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ques discours verbeux, remplis d’une philosophie sans muscles et presque pastorale, quelques poésies froides et affectées avaient inutilement affiché son nom dans l’insignifiance des recueils littéraires du temps ; il était plus qu’inconnu, il était médiocre et dédaigné. Ses traits n’avaient rien de ce qui fait arrêter le regard, quand il flotte sur une grande assemblée ; rien n’était écrit en caractères physiques sur cette puissance tout intérieure : il était le dernier mot de la Révolution, mais personne ne pouvait le lire.

Robespierre était petit de taille ; ses membres étaient grêles et anguleux, sa marche saccadée, ses attitudes affectées, ses gestes sans harmonie et sans grâce ; sa voix, un peu aigre, cherchait les inflexions oratoires et ne trouvait que la fatigue et la monotonie ; son front était assez beau, mais petit, bombé au-dessus des tempes, comme si la masse et le mouvement embarrassé de ses pensées l’avaient élargi à force d’efforts ; ses yeux, très-voilés par les paupières et très-aigus aux extrémités, s’enfonçaient profondément dans les cavités de leurs orbites ; ils lançaient un éclair bleuâtre, vague et flottant comme un reflet de l’acier frappé par la lumière ; son nez, droit et petit, était fortement tiré par des narines relevées et trop ouvertes ; sa bouche était grande, ses lèvres minces et contractées désagréablement aux deux coins, son menton court et pointu, son teint d’un jaune livide, comme celui d’un malade ou d’un homme consumé de veilles et de méditations. L’expression habituelle de ce visage était une sérénité superficielle sur un fond grave, et un sourire indécis entre le sarcasme et la grâce. Il y avait de la douceur, mais une douceur sinistre. Ce qui dominait dans l’ensemble de sa physionomie, c’était la prodigieuse et continuelle tension