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qui lui restait attachée, croyait encore à sa toute-puissance. Tous ces partis et tous ces hommes prêtaient à M. de Narbonne un appui secret. Courtisan aux yeux de la cour, aristocrate aux yeux de la noblesse, militaire aux yeux de l’armée, populaire aux yeux du peuple, séduisant aux yeux des femmes, c’était le ministre de l’espérance publique. Les Girondins seuls avaient une arrière-pensée dans leur apparente faveur pour lui. Ils le grandissaient à condition de le précipiter. M. de Narbonne n’était pour eux que la main qui préparait leur avénement.


IV

À peine entré au conseil, ce jeune ministre porta dans la discussion des affaires et dans les rapports du ministère avec l’Assemblée l’activité, la franchise et la grâce de son caractère. Il tenta hardiment le système de la confiance envers l’Assemblée. Il la surprit par son abandon. Ces hommes soupçonneux et austères, qui n’avaient vu jusque-là que des piéges dans les paroles d’un ministre, s’abandonnèrent à l’entraînement de ses discours. Il leur parla, non plus le langage officiel et froid du diplomate, mais le langage ouvert et cordial du patriote. Il apporta le portefeuille sur la tribune, il affronta généreusement la responsabilité, il professa les dogmes les plus chers au peuple avec une sincérité qui confondit le soupçon. Il se livra tout entier. L’élan de son âme se communiqua aux hommes les moins séductibles.