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tretenant des intelligences secrètes avec les démagogues les plus forcenés, faisant faire à prix d’argent les motions les plus incendiaires, afin de dépopulariser la Révolution par ses excès, et remplissant les tribunes de l’Assemblée de ses agents pour couvrir de leurs huées ou de leurs applaudissements les discours des orateurs, et simuler dans les tribunes un faux peuple et une fausse opinion : homme de petits moyens dans les grandes choses, comptant qu’on peut tromper une nation comme on trompe un individu. Le roi, à qui il était dévoué, l’aimait comme le dépositaire de ses peines, le confident de ses rapports avec l’étranger, et l’intermédiaire habile de ses négociations avec les partis. M. de Molleville se soutenait ainsi en équilibre sur la faveur intime du roi et sur ses intrigues avec les révolutionnaires. Il parlait bien la langue de la constitution ; il avait le secret de beaucoup de consciences vendues.

C’est entre ces deux hommes que le roi, pour complaire à l’opinion, appela M. de Narbonne au ministère de la guerre. Madame de Staël et le parti constitutionnel se rapprochèrent des Girondins, pour l’y soutenir. Condorcet fut l’intermédiaire entre ces deux partis. Madame de Condorcet, femme d’une éclatante beauté, se joignit à madame de Staël dans sa faveur enthousiaste pour le jeune ministre. L’une lui prêta l’éclat de son génie, l’autre l’influence de ses charmes. Ces deux femmes semblèrent confondre leurs sentiments dans un dévouement commun à l’homme de leurs préférences. Leur rivalité s’immola à son ambition.