Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heures. Pétion, Buzot, Roland, disaient, au contraire, que cette fuite du roi était son abdication, qu’il fallait en profiter pour préparer les esprits à la république. Robespierre, ricanant et se rongeant les ongles, comme à l’ordinaire, demandait ce que c’était qu’une république. »

Ce fut ce jour-là que le projet du journal intitulé le Républicain fut conçu entre Brissot, Condorcet, Dumont de Genève et Duchâtelet. On voit que l’idée de la république naquit dans le berceau des Girondins avant de naître dans l’âme de Robespierre, et que le 10 août ne fut pas un accident, mais un complot.

À la même époque, madame Roland s’était livrée, pour sauver les jours de Robespierre, à un de ces premiers mouvements qui révèlent une amitié courageuse, et qui laissent des traces dans la mémoire même des ingrats. Après la journée du Champ de Mars, Robespierre, accusé d’avoir conspiré avec les rédacteurs de la pétition de déchéance, et menacé comme factieux de la vengeance de la garde nationale, fut obligé de se cacher. Madame Roland, accompagnée de son mari, se fit conduire, à onze heures du soir, dans sa retraite au fond du Marais, pour lui offrir un asile plus sûr dans leur propre maison. Il avait déjà fui son domicile. Madame Roland se rendit de là chez Buzot, leur ami commun, et le conjura d’aller aux Feuillants, où il était influent alors, et de se hâter de disculper Robespierre avant que le décret d’accusation fût lancé contre lui.

Buzot hésita un moment, puis : « Je ferai tout, dit-il, pour sauver ce malheureux jeune homme, quoique je sois loin de partager l’opinion de certaines personnes sur son compte. Il songe trop à lui pour aimer la liberté ; mais il la sert, et cela me suffit. Je serai là pour le défendre. » Ainsi,