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ses défis ironiques, ses indignations amères qui subjuguaient un moment l’admiration, mais qui ne ramenaient pas la victoire. La noblesse lui dut de tomber avec gloire et le trône avec majesté, et par lui l’éloquence eut quelque chose de l’héroïsme.

Derrière ces deux hommes il n’y avait rien qu’un parti aigri par l’infortune, découragé par son isolement dans la nation, odieux au peuple par ses priviléges, inutile au trône par son impopularité, se repaissant des plus vaines illusions et ne conservant de la puissance abattue que le ressentiment de l’injure et la hauteur qui provoquent de nouvelles humiliations. Les espérances de ce parti se portaient déjà tout entières sur l’intervention armée des puissances étrangères. Louis XVI n’était plus à ses yeux qu’un roi prisonnier que l’Europe viendrait délivrer. Le patriotisme et l’honneur étaient pour eux à Coblentz. Vaincu par le nombre, dépourvu de chefs habiles qui savent immortaliser les retraites, sans force contre l’esprit du temps, et se refusant à transiger, le côté droit ne pouvait plus en appeler qu’à la vengeance ; sa politique n’était plus qu’une imprécation.

Le côté gauche venait de perdre à la fois son chef et son modérateur dans Mirabeau ; l’homme national n’était plus. Restaient les hommes de parti : c’étaient Barnave et les deux Lameth. Ces hommes, humiliés de l’ascendant de Mirabeau, avaient essayé, longtemps avant sa mort, de balancer la souveraineté de son génie par l’exagération de leurs doctrines et de leurs discours. Mirabeau n’était que l’apôtre ; ils avaient voulu être les factieux du temps. Jaloux de sa personne, ils avaient cru effacer ses talents par la supériorité de leur popularisme. Les médiocrités