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de gros noyers dans les vergers auprès des maisons. C’est sur le penchant d’un de ces mamelons sablonneux que s’élevait la Platière, héritage paternel de M. Roland : maison basse, assez étroite, percée de fenêtres régulières, recouverte d’un toit à tuiles rouges presque plat. Les rebords de ce toit s’avancent un peu sur le mur, pour garantir les fenêtres de la pluie l’hiver, du soleil l’été. Les murs unis et sans ornement d’architecture étaient revêtus d’un ciment de chaux blanche que le temps a éraillé et sali. On monte au vestibule par cinq marches de pierre surmontées d’une balustrade rustique en fer rouillé. Une cour entourée de granges où l’on serre la récolte, de pressoirs pour les vendanges et de celliers pour le vin, précède la maison. Derrière se nivelle un petit jardin potager, dont les carrés sont bordés de buis, d’œillets et d’arbres fruitiers taillés près de terre. Un pavillon de verdure s’élève au bout de chaque allée ; puis un grand enclos de vignes basses coupées en lignes droites par de petits sentiers verts. Voilà ce site. La vue se porte tour à tour sur l’horizon sévère, recueilli et rapproché, des montagnes de Beaujeu, tachées sur leurs flancs de noirs sapins, et entrecoupées de grandes prairies penchantes où s’engraissent les bœufs du Charolais, et sur la vallée de la Saône, immense océan de verdure surmonté çà et là de nombreux clochers. La ceinture des hautes Alpes couvertes de neiges et le dôme du mont Blanc, qui domine tout, encadrent ce vaste paysage. Il y a quelque chose de l’infini de la mer ; et si par son côté borné il porte au recueillement et à la résignation, par son côté ouvert il semble solliciter la pensée à se répandre, et emporter l’âme dans tous les lointains de l’espérance et sur tous les sommets de l’imagination.