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le contredire. Je joignais à ses travaux ceux du ménage ; m’étant aperçue que sa délicate santé ne s’accordait pas de tous les régimes, je prenais le soin de lui préparer moi-même ses aliments. Je restai avec lui quatre ans à Amiens. J’y devins mère et nourrice. Nous travaillions ensemble à l’Encyclopédie nouvelle, dont les articles relatifs au commerce lui avaient été confiés. Nous ne quittions ces études que pour des promenades champêtres hors de la ville. »

Roland, absolu et personnel, avait exigé, dès le commencement du mariage, que sa femme cessât de voir les compagnes qu’elle avait aimées au couvent et qui vivaient à Amiens. Il redoutait le moindre partage d’affection. Sa prudence dépassait les bornes de la raison. À une union austère comme le mariage il faut les distractions de l’amitié. Cette tyrannie d’un sentiment exclusif n’était pas rachetée par l’amour. Roland demandait tout à la complaisance de sa femme. Si rien ne chancelait dans cette âme, elle sentait ses sacrifices, et elle jouissait de l’accomplissement de ses devoirs comme le stoïcien jouit de la douleur.


XI

Après quelques années passées à Amiens, Roland obtint d’être employé dans les mêmes fonctions à Lyon, son pays natal. L’hiver il habitait la ville ; il passait le reste de l’année à la campagne, dans la maison paternelle, où vivait encore sa mère, femme respectable par son âge, mais d’un com-