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les fonctions d’inspecteur des manufactures. « Tu recevras cette lettre, lui écrivait l’amie, par le philosophe dont je t’ai quelquefois parlé, M. Roland, homme éclairé, de mœurs antiques, à qui on ne peut reprocher que son culte pour les anciens, son mépris pour son siècle, et sa trop haute estime de sa propre vertu… » « Ce portrait, dit-elle, était juste et bien saisi. Je vis un homme de plus de quarante ans, haut de stature, négligé dans son attitude, avec cette espèce de roideur que donne l’habitude de l’isolement ; mais ses manières étaient simples et faciles, et, sans avoir l’élégance du monde, elles alliaient la politesse de l’homme bien né à la gravité du philosophe. Une grande maigreur, le teint accidentellement jaune, le front déjà peu garni de cheveux et très-découvert, n’altéraient point des traits réguliers, mais peu séduisants. Au reste, un sourire fin et une vive expression développaient sa physionomie et la faisaient sortir comme une figure nouvelle quand il s’animait en parlant ou en écoutant. Sa voix était mâle, son parler bref comme celui d’un homme qui n’aurait pas l’haleine longue ; son discours, plein de choses, parce que sa tête était remplie d’idées, occupait l’esprit plus qu’il ne flattait l’oreille. Sa diction était quelquefois piquante, mais revêche et sans harmonie. C’est un don rare et bien puissant sur les sens, ajoute-t-elle, que ce charme de la voix ; il ne tient pas seulement à la qualité du son, il résulte aussi de cette délicatesse de sensibilité qui varie l’expression en modifiant l’accent. » C’était dire assez que Roland en était dépourvu.