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duisaient du monde au ciel, le drap mortuaire jeté sur sa beauté ensevelie et sur ce cœur palpitant, firent tressaillir la jeune artiste et l’inondèrent de larmes. Sa destinée lui offrait l’image des grands sacrifices. Elle en pressentait d’avance en elle le courage et le déchirement.


IV

Le charme et l’habitude de ces sensations religieuses ne s’effacèrent jamais en elle. La philosophie, qui devint plus tard son seul culte, dissipa la foi, mais laissa survivre ces impressions. Elle ne pouvait assister sans attrait et sans respect aux cérémonies du culte dont elle avait répudié les mystères. Le spectacle d’hommes faibles réunis pour adorer et implorer le Père des hommes touchait sa pensée. La musique l’enlevait au ciel. Elle sortait des temples chrétiens plus heureuse et meilleure, tant les souvenirs de l’enfance se reflètent et se prolongent sur la vie la plus agitée.

Ce goût passionné de l’infini et ce sentiment pieux de la nature continuèrent à l’enivrer quand elle fut rentrée chez son père. « La situation de la maison paternelle n’avait point, dit-elle, le calme solitaire du couvent. Cependant beaucoup d’air, un grand espace, s’offraient encore du haut de notre demeure, près du Pont-Neuf, à mon imagination rêveuse et romantique. Combien de fois, de ma fenêtre exposée au nord, j’ai contemplé avec émotion les vastes déserts du ciel, sa voûte superbe, azurée, splendidement