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Guadet, Gensonné, Carra, Louvet, Ducos, Fonfrède, Duperret, Sillery-Genlis, et plusieurs autres dont les noms ne sont guère sortis de l’obscurité.

Le foyer d’une jeune femme, fille d’un graveur du quai des Orfévres, fut le centre de cette réunion. Ce fut là que les deux plus grands partis de la Révolution, la Gironde et la Montagne, se rencontrèrent, s’unirent, se divisèrent, et, après avoir conquis le pouvoir et renversé ensemble la monarchie, déchirèrent de leurs dissensions le sein de leur patrie, et tuèrent la liberté en s’entre-tuant. Ce n’était ni l’ambition, ni la fortune, ni la célébrité qui avaient successivement attiré ces hommes chez cette femme, alors sans crédit, sans luxe et sans nom : c’était la conformité d’opinion ; c’était ce culte recueilli que les esprits d’élite aiment à rendre en secret comme en public à une philosophie nouvelle qui promet le bonheur aux hommes ; c’était l’attraction invisible d’une même foi, cette communion des premiers néophytes, où l’on sent le besoin d’unir ses âmes avant d’associer ses actes. Tant que les pensées communes entre les hommes politiques n’ont pas trouvé ce centre où elles se fécondent et s’organisent par le contact, rien ne s’accomplit. Les révolutions sont des idées, c’est cette communion qui fait les partis.

L’âme ardente et pure d’une femme était digne de devenir le centre où convergeraient tous les rayons de la vérité nouvelle pour s’y féconder à la chaleur de son cœur et pour y allumer le bûcher des vieilles institutions politiques. Les hommes ont le génie de la vérité, les femmes seules en ont la passion. Il faut de l’amour au fond de toutes les créations ; il semble que la vérité a deux sexes, comme la nature. Il y a une femme à l’origine de toutes les grandes