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peuple en travail dans un siècle de transition. La constitution de 91 avait écrit toutes les vérités du temps et rédigé toute la raison humaine à son époque. Tout était vrai dans son œuvre, excepté la royauté ; elle n’eut qu’un tort, ce fut de confier le dépôt de son Code à la monarchie.

Nous avons vu que cette faute même fut un excès de déférence. Elle recula devant la dépossession du trône pour la famille de ses rois ; elle eut la superstition du passé sans en avoir la foi ; elle voulut concilier la république et la monarchie. C’était une vertu dans ses intentions, ce fut un tort dans ses résultats ; car c’est un tort, en politique, que tenter l’impossible. Louis XVI était le seul homme de la nation à qui on ne pût pas confier la royauté constitutionnelle, puisque c’était lui à qui on venait d’arracher la monarchie absolue ; la constitution, c’était la royauté partagée, et il l’avait, quelques jours auparavant, tout entière. Pour tout autre, cette royauté eût été un présent ; pour lui seul elle était une injure.

Louis XVI eût-il été capable de cette abnégation du pouvoir suprême qui fait les héros du désintéressement (et il l’était), les partis dépossédés, dont il était le chef naturel, n’en étaient pas capables comme lui : on peut attendre un acte de désintéressement sublime d’un homme vertueux, jamais d’un parti en masse. Les partis ne sont jamais magnanimes ; ils n’abdiquent pas, on les extirpe. Les actes héroïques viennent du cœur, et les partis n’ont pas de cœur ; ils n’ont que des intérêts et des ambitions. Un corps, c’est l’égoïsme immortel.

Clergé, noblesse, cour, magistrature, les abus, les erreurs, les orgueils, les injustices de la monarchie se personnifiaient, malgré Louis XVI, dans le roi. Dégradés en lui,