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III

Examinons son œuvre. Le principe du pouvoir fut entièrement déplacé. La royauté avait fini par croire que le dépôt du pouvoir lui appartenait en propre. Elle avait demandé à la religion de consacrer sa domination aux yeux des peuples en leur disant que le pouvoir venait de Dieu et ne répondait qu’à Dieu. La longue hérédité des races couronnées avait fait croire qu’il y avait un droit de règne dans le sang des races royales. Le gouvernement, au lieu d’être fonction, était devenu possession ; le roi maître, au lieu d’être chef.

Ce principe déplacé déplaça tout. Le peuple devint nation, le roi magistrat couronné. La féodalité, royauté subalterne, tomba au rang de simple propriété. Le clergé, qui avait eu des institutions et des propriétés inviolables, n’était plus qu’un corps salarié par l’État pour un service sacré. Il n’y avait pas loin de là à ce qu’il ne reçût plus qu’un salaire volontaire pour un service individuel. La magistrature cessa d’être héréditaire. On lui laissa l’inamovibilité pour assurer son indépendance. C’était une exception au principe des fonctions révocables, une demi-souveraineté de la justice ; mais c’était un pas vers la vérité. Le pouvoir législatif était distinct du pouvoir exécutif. La nation, dans une assemblée librement élue, décrétait sa volonté. Le roi, héréditaire et irresponsable, l’exécutait.