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que des autorités ombrageuses, des ministres imposés et M. de La Fayette, devant qui elle était obligée de composer même son visage. Ses appartements recélaient la délation. Ses serviteurs étaient ses espions. Il fallait les tromper pour se concerter avec le peu d’amis qui lui restaient. Des escaliers dérobés, des corridors sombres conduisaient la nuit dans les combles du château les conseillers secrets qu’elle appelait autour d’elle. Ces conseils ressemblaient à des conjurations ; elle en sortait sans cesse avec des pensées différentes ; elle en assiégeait l’âme du roi, dont la conduite contractait ainsi l’incohérence d’une femme aux abois.

Mesures de force, tentatives de corruption sur l’Assemblée, abandon sincère à la constitution, essais de résistance, attitude de dignité royale, repentir, faiblesse, terreur et fuite, tout était conçu, tenté, préparé, arrêté, abandonné le même jour. Les femmes, si sublimes dans le dévouement, sont rarement capables de l’esprit de suite et d’imperturbabilité nécessaires à un plan politique. Leur politique est dans le cœur ; leur passion est trop près de leur raison. De toutes les vertus du trône, elles n’ont que le courage ; elles sont souvent des héros, rarement des hommes d’État. La reine en fut un exemple de plus. Douée de plus d’esprit, de plus d’âme, de plus de caractère que le roi, sa supériorité ne servit qu’à lui inspirer confiance dans de funestes conseils. Elle fut à la fois le charme de ses malheurs et l’un des conseillers involontaires de sa perte ; ses inspirations le dirigèrent peut-être vers l’échafaud, mais elle y monta avec lui.