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au peuple par ses flatteurs, n’avaient pas d’autre source. Il y avait un ministère de la corruption administré par la perfidie. Beaucoup y puisaient, sous prétexte de servir la cour, de modérer le peuple ou de le trahir ; puis, dominés par la crainte de voir leur trahison découverte, ils la couvraient d’une seconde trahison et tournaient contre le roi même les motions qu’il avait payées. Danton fut de ce nombre. Quelquefois, dans des intérêts d’ordre et de bienfaisance, le roi donnait des sommes mensuelles pour être distribuées utilement, soit dans les rangs de la garde nationale, soit dans les quartiers dont on redoutait l’insurrection. M. de La Fayette et Pétion lui-même touchèrent souvent, pour cet usage, des secours du roi. Ce prince pouvait donc, en se servant alors de ce moyen de diriger l’élection du maire de Paris et en se joignant au parti constitutionnel, déterminer le choix de Paris en faveur de M. de La Fayette.

M. de La Fayette était un des premiers auteurs de cette révolution qui avait abaissé le trône. Son nom était dans toutes les humiliations de la cour, dans tous les ressentiments de la reine, dans toutes les terreurs du roi. Il avait été d’abord leur effroi, puis leur protecteur, enfin leur gardien. Pouvait-il être désormais leur espérance ? Cette place de maire de Paris, ce grand pouvoir civil et populaire, après cette longue dictature armée dans la capitale, ne seraient-ils pas pour M. de La Fayette un second marchepied qui l’élèverait plus haut que le trône et qui jetterait le roi et la constitution dans l’ombre ? La Fayette, avec des idées théoriques libérales, avait de bonnes intentions ; il voulait dominer plus que régner ; mais pouvait-on se fier à de bonnes intentions si souvent vaincues ? N’était-ce pas le cœur plein de ces bonnes intentions qu’il avait usurpé le