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XIX

Un jeune écrivain, dont le nom déjà célèbre devait conquérir plus tard la consécration du martyre, André Chénier, considérant la question des hauteurs de la philosophie, publia sur le même sujet une lettre digne de la postérité. C’est le propre du génie de ne pas laisser obscurcir ses vues par les préjugés du moment. Il voit de trop haut pour que les erreurs vulgaires lui dérobent l’éclat permanent de la vérité. Il a d’avance dans ses jugements l’impartialité de l’avenir.

« Tous ceux, dit André Chénier, qui ont conservé la liberté de leur raison et en qui le patriotisme n’est pas un violent désir de dominer voient avec beaucoup de chagrin que les dissensions des prêtres aient pu occuper les premiers moments de l’Assemblée nationale. Il serait temps que l’esprit public s’éclairât enfin sur cette matière. L’Assemblée constituante elle-même s’y est trompée. Elle a prétendu faire une constitution civile de la religion, c’est-à-dire qu’elle a eu l’idée de faire un clergé après en avoir détruit un autre. Qu’importe qu’une religion diffère d’une autre ? Est-ce à l’Assemblée nationale à réunir les sectes divisées et à peser leurs différends ? Les politiques sont-ils des théologiens ?… Nous ne serons délivrés de l’influence de ces hommes que quand l’Assemblée nationale aura maintenu à chacun la liberté entière de suivre ou d’inven-