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recevoir les roubles de Catherine et les millions de la Hollande expier, dans la misère et dans la honte, les crimes de leur orgueil. D’ailleurs les rois étrangers hésitent à nous affronter ; ils savent qu’il n’y a pas de Pyrénées pour l’esprit philosophique qui nous a soufflé la liberté ; ils frémissent d’envoyer leurs soldats toucher du pied une terre brûlante de ce feu sacré ; ils tremblent qu’un jour de bataille les hommes libres de tous les climats ne se reconnaissent, et ne fassent des deux armées prêtes à combattre un peuple de frères réuni contre ses tyrans. Mais si enfin il fallait se mesurer, nous nous souviendrions qu’un millier de Grecs combattant pour la liberté triomphèrent d’un million de Perses !

» On nous dit : « Les émigrés n’ont aucun mauvais dessein contre leur patrie : ce n’est qu’un simple voyage. Où sont les preuves légales des faits que l’on avance contre eux ? Quand vous les produirez, il sera temps de punir ces coupables… » Ô vous qui tenez ce langage ! que n’étiez-vous dans le sénat de Rome lorsque Cicéron dénonça Catilina, vous qui auriez demandé aussi la preuve légale ! J’imagine qu’il eût été confondu. Pendant qu’il eût cherché ses preuves, Rome eût été saccagée, et Catilina et vous vous auriez régné sur des ruines. Des preuves légales ? Et avez-vous compté le sang qu’elles vous coûteront ? Non, non, prévenons nos ennemis, prenons des mesures rigoureuses ; débarrassons la nation de ce bourdonnement continuel d’insectes avides de son sang qui l’inquiètent et qui la fatiguent. Mais quelles doivent être ces mesures ? D’abord frapper les propriétés des absents. Cette mesure est petite, s’écrie-t-on. Qu’importe sa grandeur ou sa petitesse ? c’est de sa justice qu’il s’agit. Quant aux officiers déserteurs, leur sort est écrit dans le Code pénal : c’est la mort et l’infamie !