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absurde abus de la liberté un État serait-il contraint de tolérer sur le territoire étranger des rassemblements de citoyens armés contre l’État même, qu’il ne tolérerait pas dans le pays ? Et si ces rassemblements sont coupables au dehors, pourquoi serait-il interdit à l’État de fermer les chemins qui conduisent les émigrés à ces rassemblements ? Une nation se défend de ses ennemis étrangers par les armes, de ses ennemis intérieurs par les lois. Agir autrement, ce serait consacrer hors de la patrie l’inviolabilité des conjurations que l’on punirait au dedans ; ce serait proclamer la légitimité de la guerre civile, pourvu qu’elle se compliquât de la guerre étrangère et qu’elle couvrît la sédition par la trahison. De semblables maximes ruinent la nationalité de tout un peuple, pour protéger un abus de liberté de quelques citoyens. L’Assemblée constituante eut le tort de les sanctionner. Si elle eût proclamé, dès le principe, des lois répressives de l’émigration, en temps de troubles, de révolution et de guerre imminente, elle eût proclamé une vérité nationale et prévenu un des grands dangers, une des principales causes des excès de la Révolution. La question aujourd’hui n’allait plus se traiter avec des raisons, mais avec des passions. L’imprudence de l’Assemblée constituante avait laissé cette arme dangereuse entre les mains des partis ; ils allaient la tourner contre le roi.