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ici à l’abbé Maury, que rien n’est plus dangereux que de faire des martyrs : ce danger n’existe que quand vous avez à frapper des fanatiques de bonne foi ou des hommes vraiment saints qui pensent que l’échafaud est le marchepied du ciel. Ici ce n’est pas le cas ; car s’il existe des prêtres qui, de bonne foi, réprouvent la constitution, ceux-là ne troublent pas l’ordre public. Ceux qui le troublent sont des hommes qui ne pleurent sur la religion que pour recouvrer leurs priviléges perdus ; ce sont ceux-là qu’il faut punir sans pitié, et certes ne craignez pas d’augmenter par là la force des émigrants : car on sait que le prêtre est lâche, aussi lâche qu’il est vindicatif ; qu’il ne connaît d’autre arme que celle de la superstition, et qu’accoutumé à combattre dans l’arène mystérieuse de la confession, il est nul sur tout autre champ de bataille. Les foudres de Rome s’éteindront sur le bouclier de la liberté. Les ennemis de votre régénération ne se lasseront pas ; non, ils ne se lasseront pas de crimes tant que vous leur en laisserez les moyens. Il faut que vous les vainquiez ou que vous soyez vaincus par eux : quiconque ne voit pas cela est aveugle. Ouvrez l’histoire, vous verrez les Anglais soutenir pendant cinquante ans une guerre désastreuse pour défendre leur révolution. Vous verrez en Hollande des flots de sang couler dans la guerre contre Philippe d’Espagne. Quand, de nos jours, les Philadelphiens ont voulu être libres, n’avez-vous pas vu aussitôt la guerre dans les deux mondes ? Vous avez été témoins des malheurs récents du Brabant. Et vous croyez que votre révolution qui a enlevé au despotisme son sceptre, à l’aristocratie ses priviléges, à la noblesse son orgueil, au clergé son fanatisme, une révolution qui a tari tant de sources d’or sous la main du prêtre, déchiré tant de