Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tolérance avait aussi son fanatisme et sa cruauté : « On vous propose des remèdes violents à des maux que la colère ne peut qu’envenimer, c’est une condamnation à la faim qu’on vous demande contre nos confrères non assermentés. De simples erreurs religieuses doivent rester étrangères au législateur. Les prêtres ne sont pas coupables, ils sont égarés. Quand l’œil de la loi tombe sur ces erreurs de la conscience, elle les envenime ; le meilleur moyen de les guérir, c’est de ne pas les voir. Punir par le supplice de la faim de simples et innocentes erreurs, ce serait un opprobre en législation, une horreur en morale ; le législateur laisse à Dieu le soin de venger sa gloire, s’il la croit violée par un culte indécent. Voudriez-vous, au nom de la tolérance, recréer une inquisition qui n’aurait pas même comme l’autre l’excuse du fanatisme ? Quoi ! messieurs, vous transformerez en proscripteurs arbitraires les fondateurs de la liberté ? Vous jugerez, vous exilerez, vous emprisonnerez en masse des hommes parmi lesquels, s’il y a quelques coupables, il y a encore plus d’innocents ? Les crimes ne sont plus individuels, et l’on sera coupable par catégorie ; mais fussent-ils tous et tous également coupables, auriez-vous la cruauté de frapper à la fois cette multitude de têtes, quand, en pareil cas, les despotes les plus cruels se contentent de décimer ? Qu’avez-vous donc à faire ? Une seule chose : être conséquents et fonder par la tolérance la liberté pratique, la coexistence paisible des cultes différents. Pourquoi nos confrères ne jouiraient-ils pas de la faculté d’adorer, à côté de nous, le même Dieu, pendant que dans nos villes, où nous leur refuserions le droit de célébrer nos saints mystères, nous permettrions aux païens de célébrer les mystères d’Isis et