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et de la magistrature, cette gravité austère des premiers députés du tiers état, avaient tout à coup fait place aux représentants d’un peuple nouveau, dont la confusion et la turbulence annonçaient l’invasion au pouvoir plutôt que l’habitude et la possession du gouvernement. L’extrême jeunesse s’y faisait remarquer en foule. Quand le président d’âge, pour former le bureau provisoire, somma les députés qui n’avaient pas encore accompli leur vingt-sixième année de se présenter, soixante jeunes gens se pressèrent autour de la tribune et se disputèrent le rôle de secrétaires de l’Assemblée. Cette jeunesse des représentants de la nation inquiéta les uns, réjouit les autres. Si, d’un côté, une telle représentation n’offrait rien de cette maturité calme et de cette autorité du temps que les législateurs antiques recherchaient dans les conseils des peuples ; d’un autre côté, ce rajeunissement soudain de la représentation nationale était comme un symptôme du rajeunissement complet des institutions. On sentait que cette nouvelle génération avait rompu avec toutes les traditions et tous les préjugés de l’ancien ordre de choses. Son âge même était une garantie, à l’inverse des civilisations assises, où l’on demande aux législateurs de donner par leurs années des gages au passé. On demandait à ceux-ci de donner des gages à l’avenir. Leur inexpérience était un mérite, leur jeunesse était un serment. Les temps calmes veulent des vieillards, les révolutions veulent des jeunes gens.

À peine l’Assemblée était-elle constituée, que le double esprit qui allait s’en disputer les actes, l’esprit monarchique et l’esprit républicain, s’y livra, sous un frivole prétexte, une lutte puérile en apparence, sérieuse au fond, et y fut tour à tour vaincu et vainqueur en deux jours. La