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l’assentiment du roi et de la reine aux efforts pacifiques qu’il allait tenter. Cette adhésion fut complète, et cependant il n’était point arrivé à Berlin que déjà une prétendue copie de ses instructions, venant de Paris, était dans les mains du roi de Prusse. Ces deux mots : séduire et corrompre, en étaient l’esprit. Le roi de Prusse avait des favoris et des maîtresses. Mirabeau avait écrit en 1786 : « Il ne peut y avoir à Berlin de secrets pour l’ambassadeur de France, que faute d’argent et d’habileté ; ce pays est cupide et pauvre, il n’y a pas de secret d’État qu’on ne puisse y acheter avec trois mille louis. » M. de Ségur devait donc s’attacher avant tout à capter les deux favorites. L’une était fille d’Élie Enka, attaché comme musicien à la chapelle du feu roi. Belle et spirituelle, elle avait fixé, à l’âge de douze ans, l’attention du roi, alors prince royal. Il l’avait, dès cet âge si tendre, comme prédestinée à ses amours ; il l’avait fait élever avec tous les soins et tout le luxe d’une éducation royale. Elle avait voyagé en France et en Angleterre ; elle savait les langues de l’Europe ; elle avait poli son génie naturel au contact des hommes de lettres et des artistes de l’Allemagne. Un mariage simulé avec Rietz, valet de chambre du roi, motivait sa résidence à la cour et lui permettait de réunir autour d’elle ce que Berlin avait d’hommes supérieurs dans la politique ou dans les lettres. Gâtée par une fortune précoce, et insouciante à la retenir, elle avait laissé deux rivales lui disputer le cœur du roi. L’une, la jeune comtesse d’Ingenheim, venait de mourir à la fleur de ses années ; l’autre, la comtesse de Lichtenau, avait donné deux enfants au roi et se flattait en vain de l’arracher à l’empire de madame Rietz.

Le baron de Roll, au nom du comte d’Artois, et le vi-