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sance, gâté par ces mains féminines, célèbre seulement par sa figure, par ses légèretés et par ses saillies, on ne pouvait attendre d’un tel homme la foi ardente qui précipite au sein des révolutions, et l’énergie stoïque qui fait qu’on les accomplit et qu’on les dirige. Il n’avait qu’une demi-foi dans la liberté. Il ne voyait dans le peuple qu’un souverain plus exigeant et plus capricieux que les autres, envers lequel il fallait déployer plus d’habileté pour le séduire et plus de politique pour le manier. Il se sentait la flexibilité nécessaire à ce rôle : il osa le tenter. Dépourvu de grande conviction, mais non d’ambition et de courage, la circonstance n’était à ses yeux qu’un drame comme la Fronde, où les plus habiles acteurs pouvaient grandir leurs espérances aux proportions des faits et diriger le dénoûment. Il ignorait qu’en révolution il n’y a qu’un acteur sérieux : la passion. Il n’en avait pas. Il balbutia les mots de la langue révolutionnaire ; il prit le costume du temps, il n’en prit pas l’âme.

Le contraste de cette nature et de ce rôle, ce favori des cours se jetant dans la foule pour servir la nation, cette élégance aristocratique masquée en patriotisme de tribune, plurent un moment à l’opinion. On applaudit à cette transformation comme à une difficulté vaincue. Le peuple était flatté d’avoir de grands seigneurs avec lui. C’était un témoignage de sa puissance. Il se sentait roi en se voyant des courtisans. Il pardonnait à leur rang en faveur de leur complaisance.

Madame de Staël fut séduite, autant de cœur que d’esprit, par M. de Narbonne. Sa mâle et tendre imagination prêta au jeune militaire tout ce qu’elle lui désirait. Ce n’était qu’un homme brillant, actif et brave. Elle en fit un