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XIX

Une femme jeune, mais déjà influente, prêtait à ce dernier parti le prestige de sa jeunesse, de son génie et de sa passion : c’était madame de Staël. Fille de Necker, elle avait respiré la politique en naissant. Le salon de sa mère avait été le cénacle de la philosophie du dix-huitième siècle. Voltaire, Rousseau, Buffon, d’Alembert, Diderot, Raynal, Bernardin de Saint-Pierre, Condorcet, avaient joué avec cette enfant et attisé ses premières pensées. Son berceau était celui de la Révolution. La popularité de son père avait caressé ses lèvres et lui avait laissé une soif de gloire qui ne s’éteignit plus. Elle la cherchait jusque dans les orages populaires, à travers la calomnie et la mort. Son génie était grand, son âme était pure, son cœur passionné. Homme par l’énergie, femme par la tendresse, pour que son idéal d’ambition fût satisfait, il fallait que la destinée associât pour elle, dans un même rôle, le génie, la gloire et l’amour.

La nature, l’éducation et la fortune lui rendaient possible ce triple rêve d’une femme, d’un philosophe et d’un héros. Née dans une république, élevée dans une cour, fille de ministre, femme d’ambassadeur, tenant au peuple par l’origine, aux hommes de lettres par le talent, à l’aristocratie par le rang, les trois éléments de la Révolution se mêlaient ou se combattaient en elle. Son génie était comme