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Léopold et au roi de Prusse. Ils reprochaient à Catherine de ne pas tenir ses promesses en faisant la paix avec les Turcs. L’empereur pouvait-il porter ses troupes sur le Rhin pendant que les combats des Russes et des Ottomans continuaient sur le Danube et menaçaient les derrières de son empire ? Catherine et Gustave n’en continuaient pas moins leur protection avouée à l’émigration. Ces deux souverains accréditèrent des ministres plénipotentiaires auprès des princes français à Coblentz. C’était déclarer la déchéance de Louis XVI et même la déchéance de la France ; c’était reconnaître que le gouvernement du royaume n’était plus à Paris, mais à Coblentz. Ils contractèrent, de plus, un traité d’alliance offensive et défensive, entre la Suède et la Russie, dans l’intérêt commun du rétablissement de la monarchie.

Louis XVI, désirant alors de bonne foi le désarmement, envoya à Coblentz le baron de Vioménil et le chevalier de Coigny, pour ordonner à ses frères et au prince de Condé la dispersion et le désarmement des émigrés. On reçut ses ordres comme ceux d’un captif ; on y désobéit sans lui répondre. La Prusse et l’Empire montrèrent plus de déférence aux intentions du roi. Ces deux cours dispersèrent le rassemblement de l’armée des princes, et firent punir dans leurs États les insultes faites à la cocarde tricolore. Mais au moment même où l’empereur donnait ainsi des gages de son désir de maintenir la paix, la guerre allait l’entraîner malgré lui. Ce que la sagesse humaine refuse quelquefois aux plus grandes causes, elle se voit contrainte de l’accorder aux plus petites. Telle fut la situation de Léopold. Il avait refusé la guerre aux grands intérêts de la monarchie et aux grands sentiments de famille qui la lui demandaient ; il