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droits en prenant sa cause, et stipulaient les intérêts sans son intervention. On parlait tout haut de régence à Coblentz ; on la décernait au comte de Provence, l’aîné des frères de Louis XVI. Cette régence, dévolue à un prince du sang par l’émigration, pendant que le roi luttait à Paris, humiliait profondément Louis XVI et la reine. Cette usurpation des droits de leur souveraineté, bien qu’elle se revêtît des prétextes du dévouement et de la tendresse, leur paraissait plus amère peut-être que les outrages de l’Assemblée et du peuple. On craint plus ce qui est plus près de soi. L’émigration triomphante ne leur promettait qu’un trône disputé par le régent qui l’aurait relevé. Cette reconnaissance leur paraissait une honte. Ils ne savaient s’ils devaient plus craindre qu’espérer des émigrés.

La reine, dans ses conversations les plus intimes, parlait d’eux avec plus d’amertume que de confiance. Le roi gémissait tout haut de la désobéissance de ses frères, et déconseillait la fuite à tous ceux de ses serviteurs qui le consultaient. Mais ces conseils étaient flottants comme les circonstances. Comme tous les hommes placés entre l’espérance et la crainte, il fléchissait ou se relevait sous les événements. Le fait était coupable, l’intention n’était pas criminelle. Ce n’était pas le roi qui conspirait, c’était l’homme, le mari, le père qui cherchait dans l’appui de l’étranger le salut de sa femme et de ses enfants. Il ne devenait coupable que quand il était désespéré. Les négociations entrecroisées se brisaient et se renouaient sans cesse. Ce qui était arrêté la veille était désavoué le lendemain. Les négociateurs secrets de ces trames, munis de pouvoirs révoqués, s’en servaient encore, malgré le roi, pour continuer en son nom des démarches désavouées. Les contre-ordres