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grandeur du mot, l’âme d’une nation personnifiée dans un seul, l’inspiration de la foule dans un cœur de patricien. Son génie oratoire avait quelque chose de magnanime comme l’action ; c’était l’héroïsme de la parole. Le contre-coup des discours de lord Chatham s’était fait sentir jusque sur le continent. Les scènes orageuses des élections de Westminster remuaient au fond du peuple le sentiment redoutable de lui-même, et ce goût de turbulence qui sommeille dans toute multitude, et qu’elle prend si souvent pour le symptôme de la vraie liberté. Ces mots de contrepoids au pouvoir royal, de responsabilité des ministres, de lois consenties, de pouvoir du peuple, expliqués dans le présent par une constitution, expliqués dans le passé par l’accusation de Strafford, par le tombeau de Sidney, par l’échafaud d’un roi, avaient résonné comme des souvenirs antiques et comme des nouveautés pleines d’inconnu.

Le drame anglais avait pour spectateur le monde. Les grands acteurs du moment étaient Pitt, le modérateur de ces orages, l’intrépide organe du trône, de l’ordre et des lois de son pays ; Fox, le tribun précurseur de la Révolution française, qui en propageait les doctrines en les rattachant aux révolutions de l’Angleterre, pour les rendre sacrées au respect des Anglais ; Burke, l’orateur philosophe, dont chaque discours était un traité, le Cicéron alors de l’opposition britannique, qui devait bientôt se retourner contre les excès de la Révolution française, et maudire la religion nouvelle à la première victime que le peuple aurait immolée ; Sheridan enfin, débauché éloquent, plaisant au peuple par sa légèreté et par ses vices, séduisant son pays au lieu de le soulever. La chaleur des débats sur la guerre