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comme sa cause et grande comme son courage. Gustave avait été accoutumé par sa fortune aux entreprises hardies et désespérées. Le succès lui avait appris à ne rien trouver impossible. Il avait fait une révolution dans son royaume, il avait affronté seul le colosse de l’empire russe ; et si la Prusse, l’Autriche et la Turquie l’avaient secondé, la Russie eût trouvé un obstacle dans le Nord. Une première fois, abandonné de ses troupes, emprisonné dans sa tente par ses généraux révoltés, il s’était échappé de leurs mains, il était allé seul, de sa personne, faire un appel à ses braves Dalécarliens. Son éloquence et sa magnanimité avaient fait sortir de terre une nouvelle armée ; il avait puni les traîtres, rallié les lâches, achevé la guerre, et était revenu triompher à Stockholm, porté sur les bras de son peuple enthousiasmé. Une seconde fois, voyant son pays déchiré par l’anarchique prédominance de la noblesse, il avait résolu, du fond de son palais, le renversement de la constitution. Uni d’esprit avec la bourgeoisie et le peuple, il avait entraîné, l’épée à la main, les troupes, emprisonné le sénat dans sa salle, détrôné la noblesse, et conquis les prérogatives qui manquaient à la royauté pour défendre et pour gouverner la patrie. En trois jours, et sans qu’une goutte de sang eût été versée, la Suède était devenue une monarchie, sous son épée. La confiance de Gustave dans sa propre audace s’en était accrue. Le sentiment monarchique s’était fortifié en lui de toute la haine qu’il portait aux priviléges des ordres qu’il avait renversés. La cause des rois était la sienne partout.

Il avait embrassé avec passion celle de Louis XVI. La paix qu’il avait conclue avec la Russie lui permettait de porter ses regards et ses forces vers la France. Son génie