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monté sur le trône et régnait, depuis quelques années, entre une femme infidèle, un confesseur et un favori. Les amours de Godoï et de la reine étaient toute la politique de l’Espagne. La fortune du favori était la pensée unique à laquelle on sacrifiait l’empire. Que la flotte languît dans les ports inachevés de Charles III, que l’Amérique espagnole conçût et tentât son indépendance, que l’Italie s’asservît à l’Autriche, que la maison de Bourbon luttât sans espoir, en France, contre les idées nouvelles, que l’inquisition et les moines assombrissent et dévorassent la Péninsule, tout était indifférent à cette cour, pourvu que la reine fût aimée et que Godoï fût grand ! Le palais d’Aranjuez était comme le tombeau muré de l’Espagne, où l’esprit de vie qui agitait l’Europe ne pénétrait plus.


VI

L’Italie comptait moins encore, coupée en tronçons impuissants à se rejoindre. Naples languissait sous la maison d’Espagne. Milan et la Lombardie subissaient le joug de la maison d’Autriche. Rome n’était plus que la capitale d’une idée. Son peuple avait disparu. C’était la Delphes des temps modernes, où chaque cabinet envoyait chercher des oracles favorables à sa cause. Centre de la diplomatie où toute ambition mondaine venait aboutir et s’humilier pour grandir, la cour de Rome pouvait tout pour agiter l’Europe catholique, elle ne pouvait rien pour la gouver-