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du peuple à Paris se propageaient dans tout l’empire. La France eut quelques jours de délire. L’espérance, qui attendrit le cœur des hommes, la ramena à ses anciens sentiments pour son roi. Ce prince et sa famille étaient sans cesse rappelés aux fenêtres de leur palais, pour y recevoir les applaudissements de la foule. On voulait leur faire sentir combien l’amour du peuple est doux.

La proclamation de la constitution, le 18, eut le caractère d’une fête religieuse. Le Champ de Mars se couvrit des bataillons de la garde nationale ; Bailly, maire de Paris, la municipalité, le département, les fonctionnaires publics, le peuple entier, s’y rendirent. Cent et un coups de canon saluèrent la lecture de l’acte constitutionnel, faite à la nation du haut de l’autel de la patrie. Un seul cri de Vive la nation ! proféré par trois cent mille voix, fut l’acceptation du peuple. Les citoyens s’embrassaient comme les membres d’une seule famille. Des aérostats, chargés d’inscriptions patriotiques, s’élevèrent, le soir, des Champs-Élysées, comme pour porter jusque dans les airs le témoignage de l’ivresse d’un peuple régénéré. Ceux qui les montaient lançaient d’en haut sur le peuple les feuilles du livre de la constitution. La nuit fut splendide d’illuminations. Des guirlandes de feu, courant d’arbre en arbre, traçaient, depuis la porte de l’Étoile jusqu’aux Tuileries, une avenue étincelante où se pressait la population de Paris. De distance en distance, des orchestres de musiciens faisaient retentir en accords éclatants la gloire et la joie publiques. M. de La Fayette s’y promena à cheval à la tête de son état-major. Sa présence semblait placer les serments du peuple et du roi sous la garde des citoyens armés. Le roi, la reine et leurs enfants y parurent en voiture à onze heures