Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’injure dans l’oreille de ceux qu’elle hait. Danton, Hébert et Marat furent les premiers qui prirent ce ton, ces gestes et ces jurements de la plèbe, pour la flatter par l’imitation de ses vices. Robespierre ne descendit jamais jusque-là. Il ne voulait s’emparer du peuple que par sa raison. Le fanatisme qu’il lui inspirait dans ses discours avait au moins la décence des grandes pensées. Il le dominait par le respect et dédaignait de le capter par la familiarité. Plus il descendait dans la confiance des masses, plus il affectait dans ses paroles l’élévation philosophique et le ton austère de l’homme d’État. On sentait dans ses provocations les plus radicales que, s’il voulait renouveler l’ordre social, il ne voulait pas en corrompre les éléments, et que pour émanciper le peuple il ne fallait pas le dégrader.


III

C’est à cette même époque que l’Assemblée nationale ordonna la translation des restes de Voltaire au Panthéon. C’était la philosophie qui se vengeait des anathèmes dont on avait poursuivi la cendre du grand novateur. Le corps de Voltaire, mort à Paris en 1778, avait été transporté, la nuit, et furtivement, par son neveu, dans l’église de l’abbaye de Sellières en Champagne. Quand la nation vendit cette abbaye, les villes de Troyes et de Romilly se disputèrent la gloire de posséder et d’honorer les restes