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et faire des dupes en Angleterre. Les preuves étaient convaincantes. Une somme considérable avait été extorquée à un nommé Desforges, sous prétexte de fonder un lycée à Londres, et cette somme avait été dépensée par Brissot à son usage personnel. C’était peu. Brissot, en quittant l’Angleterre, avait déposé entre les mains de ce même Desforges quatre-vingts lettres qui établissaient trop évidemment sa participation à l’infâme commerce de libelles pratiqué par ses amis. Il fut démontré que Brissot avait connivé à l’envoi en France et à la propagation des odieux pamphlets de Morande. Les journaux hostiles à sa candidature s’emparèrent de ces scandales et les secouèrent devant l’opinion. Il fut accusé, en outre, d’avoir puisé dans la caisse du district des Filles-Saint-Thomas, dont il était président, une somme oubliée longtemps dans sa propre bourse. Sa justification fut embarrassée et obscure. Elle suffit néanmoins au club de la rue de la Michodière pour déclarer son innocence et son intégrité.

Quelques journaux, préoccupés seulement du côté politique de sa vie, prirent sa défense et se bornèrent à gémir sur la calomnie. Manuel, son ami, qui rédigeait un journal cynique, lui écrivit pour le consoler : « Ces ordures de la calomnie, répandues au moment du scrutin, lui dit-il, finissent toujours par laisser une teinte sale sur celui sur qui on les verse. Mais c’est faire triompher les ennemis du peuple que de repousser celui qui les combat sans crainte. On me donne des voix, à moi, malgré mon radotage et mon goût pour la bouteille. Laissez là le Père Duchesne et nommez Brissot. Il vaut mieux que moi. » Marat, dans l’Ami du peuple, parla de Brissot en termes ambigus. « Brissot, écrit l’ami du peuple, n’a jamais été à mes yeux un pa-