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pandez un journal intitulé le Républicain ! Alors les esprits fermentent. Le seul mot de république jette la division parmi les patriotes, et donne à nos ennemis le prétexte qu’ils cherchaient de publier qu’il existe en France un parti qui conspire contre la monarchie et la constitution. À ce titre, on nous persécute, on égorge les citoyens paisibles sur l’autel de la patrie ! À ce nom, nous sommes travestis en factieux, et la République recule peut-être d’un demi-siècle. Ce fut dans ce même temps que Brissot vint aux Jacobins, où il n’avait jamais paru, proposer la république, dont les règles de la plus simple prudence nous avaient défendu de parler à l’Assemblée nationale. Par quelle fatalité Brissot se trouve-t-il là ? Je veux bien ne pas voir de ruse dans sa conduite, je veux bien n’y voir qu’imprudence et qu’ineptie. Mais aujourd’hui que ses liaisons avec La Fayette et Narbonne ne sont plus un mystère, aujourd’hui qu’il ne dissimule plus des plans d’innovations dangereuses, qu’il sache que la nation romprait à l’instant toutes les trames ourdies pendant tant d’années par de petits intrigants. »

Ainsi s’exprimait Robespierre, jaloux d’avance et cependant juste, sur la candidature de Brissot. La Révolution le repoussait, la contre-révolution ne le déshonorait pas moins. Les anciens amis de Brissot à Londres, Morande surtout, revenu à Paris avec l’impunité des temps de trouble, dévoilaient dans l’Argus et dans des affiches aux Parisiens les intrigues cachées et les scandales de la vie littéraire de leur ancien associé. Ils citaient des lettres authentiques où Brissot avait menti avec impudeur sur son nom, sur la condition de sa famille, sur la fortune de son père, pour capter la confiance de Swinton, se donner du crédit