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ceux qu’ils allaient remplacer. Or il ne leur restait à renverser que son trône, et il ne lui restait à concéder que sa vie.


XX

Les principaux noms débattus dans les feuilles publiques étaient, à Paris, ceux de Condorcet, de Brissot, de Danton ; dans les départements, ceux de Vergniaud, de Guadet, d’Isnard, de Louvet, de Gensonné, qui depuis furent les Girondins, et ceux de Thuriot, Merlin, Carnot, Couthon, Danton, Saint-Just, qui, plus tard unis à Robespierre, furent tour à tour ses instruments ou ses victimes.

Condorcet était un politique aussi intrépide dans ses actes que hardi dans ses spéculations. Sa politique était une conséquence de sa philosophie. Il croyait à la divinité de la raison et à la toute-puissance de l’intelligence humaine servie par la liberté. Ce ciel, séjour de toutes les perfections idéales, où l’homme relègue ses plus beaux rêves, Condorcet le plaçait sur la terre. Sa science était sa vertu, l’esprit humain était son dieu. L’esprit fécondé par la science et multiplié par le temps lui semblait devoir triompher de toutes les résistances de la matière, découvrir toutes les puissances créatrices de la nature et renouveler la face de la création. De ce système, il avait fait une politique dont le premier dogme était d’adorer l’avenir et de détester le passé. Il avait le fanatisme froid de la lo-