Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cons de l’hôtel de ville ce drapeau sinistre couleur de sang, comme jadis on attachait aux voûtes du temple métropolitain les drapeaux recueillis au milieu des cadavres des ennemis vaincus !… On saisit les presses de l’imprimeur de Marat, dit-il ailleurs. Le nom de l’auteur devait mettre à l’abri le typographe. L’imprimerie est un meuble sacré, aussi sacré que le berceau d’un nouveau-né, que les agents du fisc avaient jadis l’ordre de respecter ! Le silence du tombeau règne dans la ville ; les lieux publics sont déserts, les théâtres ne retentissent plus que d’applaudissements serviles aux accents du royalisme triomphant sur la scène comme dans nos rues ! Il vous tardait, Bailly, et vous, traître La Fayette, de faire usage de cette arme de la loi martiale si terrible à manier. Non, non, rien ne lavera plus la tache indélébile du sang de vos frères, qui a rejailli sur vos écharpes, sur vos uniformes. Il en est tombé jusque sur vos cœurs. C’est un poison lent qui vous dévorera jusqu’au dernier ! »

Pendant que la presse révolutionnaire soufflait ainsi le feu du ressentiment dans les âmes, les clubs, rassurés par la mollesse de l’Assemblée et par la scrupuleuse légalité de La Fayette, subissaient faiblement le contre-coup de la victoire du Champ de Mars. Une scission s’opérait, dans le sein de la société des Jacobins, entre les membres exaltés de cette réunion et ses premiers fondateurs, Barnave, Duport et les Lameth. Ce schisme avait eu son principe dans la grande question de la non-rééligibilité des membres de l’Assemblée nationale à l’Assemblée législative qui devait bientôt lui succéder. Les Jacobins purs voulaient, avec Robespierre, que l’Assemblée nationale abdiquât en masse, et se condamnât elle-même à l’ostracisme politique,