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vit un crime du peuple ou un crime de ses ennemis. La vérité ne perça que plus tard. L’agitation s’accrut de l’indignation des uns, des soupçons des autres. Bailly, averti, envoya au Champ de Mars trois commissaires et un bataillon. D’autres commissaires parcouraient les quartiers de la capitale, lisant au peuple la proclamation de ses magistrats et l’adresse de l’Assemblée nationale.

Le terrain de la Bastille était occupé par la garde nationale et par les sociétés patriotiques, qui devaient de là se rendre au champ de la fédération. Danton, Camille Desmoulins, Fréron, Brissot et les principaux meneurs du peuple avaient disparu : les uns disent pour concerter des mesures insurrectionnelles chez Legendre, à la campagne ; les autres pour échapper à la responsabilité de la journée. Plus tard, cette première version fut adoptée par la haine de Robespierre contre Danton, à qui Saint-Just dit dans son acte d’accusation : « Mirabeau, qui méditait un changement de dynastie, sentit le prix de ton audace ; il la saisit. Tu t’écartas des lois, des principes sévères. On n’entendit plus parler de toi jusqu’aux massacres du Champ de Mars. Tu appuyas cette fausse mesure du peuple et la proposition de la loi qui n’avait d’autre objet que de servir de prétexte au déploiement du drapeau rouge et à l’essai de la tyrannie ! Les patriotes qui n’étaient pas initiés à ce complot avaient combattu ton opinion perfide. Tu fus nommé avec Brissot rédacteur de la pétition. Vous échappâtes à la fureur de La Fayette, qui fit massacrer dix mille patriotes. Brissot resta tranquillement dans Paris, et toi, tu fus couler d’heureux jours à Arcis-sur-Aube. Conçoit-on le calme de ta retraite à Arcis-sur-Aube, toi l’un des auteurs de la pétition, tandis que les signataires étaient chargés de fers ou égorgés ?