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rival. Mais, Mirabeau mort et le trône ébranlé, ils se sentaient faibles contre le mouvement qu’ils avaient imprimé. Ils soutenaient ce débris de monarchie, pour en être soutenus à leur tour. Fondateurs des Jacobins, ils tremblaient devant leur ouvrage, ils se réfugiaient dans la constitution, qu’ils avaient eux-mêmes démantelée ; ils passaient du rôle de démolisseurs au rôle d’hommes d’État. Mais pour le premier rôle, il ne faut que de la violence ; pour le second, il faut du génie. Barnave n’avait que du talent. Il avait plus : il avait de l’âme et il était honnête homme. Les premiers excès de sa parole n’avaient été en lui que des enivrements de tribune. Il avait voulu savoir le goût des applaudissements du peuple. On les lui avait prodigués bien au delà de son mérite réel. Ce n’était plus avec Mirabeau qu’il allait avoir à se mesurer désormais, c’était avec la Révolution dans toute sa force. La jalousie lui enlevait le piédestal qu’elle lui avait prêté. Il allait paraître ce qu’il était.


III

Mais un sentiment plus noble que l’intérêt de sa sécurité personnelle poussait Barnave à se ranger au parti de la monarchie. Son cœur avait passé avant son ambition du côté de la faiblesse, de la beauté et du malheur. Rien n’est plus dangereux pour un homme sensible que de connaître ceux qu’il combat. La haine contre la cause tombe devant l’attrait pour les personnes. On devient partial à son insu. La sensi-