Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec le malheur semblait avoir épuisé ses forces. Il se sentait vaincu, et voulait, pour ainsi dire, mourir d’avance. La reine, en se jetant à ses pieds et en lui présentant ses enfants, finit par l’arracher à ce silence : « Gardons, lui dit-elle, toutes nos forces pour livrer ce long combat avec la fortune. La perte fût-elle inévitable, il y a encore le choix de l’attitude dans laquelle on périt. Périssons en rois, et n’attendons pas sans résistance et sans vengeance qu’on vienne nous étouffer sur le parquet de nos appartements. » La reine avait le cœur d’un héros, Louis XVI avait l’âme d’un sage ; mais le génie qui combine la sagesse avec le courage manquait à tous les deux : l’un savait combattre, l’autre savait se soumettre ; aucun ne savait régner.


XXX

Telle fut cette fuite, qui, si elle eût réussi, changeait toutes les phases de la Révolution. Au lieu d’avoir dans le roi captif à Paris un instrument et une victime, la Révolution aurait eu dans le roi libre un ennemi ou un modérateur ; au lieu d’être une anarchie, elle aurait été une guerre civile ; au lieu d’avoir des massacres, elle aurait eu des victoires ; elle aurait triomphé par les armes et non par l’échafaud.

Jamais le sort de plus d’hommes et de plus d’idées ne dépendit aussi visiblement d’un hasard ! Ce hasard lui-même n’en était pas un. Drouet fut l’instrument de la perte