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femme n’était respectée. Gestes, regards, paroles entre le roi et la reine, tout était vu, épié, noté. Ils ne devaient qu’à la connivence quelques entretiens furtifs. Un officier de garde passait vingt-quatre heures de suite au fond d’un corridor obscur qui régnait derrière l’appartement de la reine. Une lampe l’éclairait seule, comme la voûte d’un cachot. Ce poste, redouté des officiers de service, était brigué par le dévouement de quelques-uns d’entre eux. Ils affrétaient le zèle pour couvrir le respect. Saint-Prix, acteur fameux du Théâtre-Français, occupait souvent ce poste. Il favorisait des entrevues rapides entre le roi, sa femme et sa sœur.

Le soir, une femme de la reine roulait son lit entre celui de sa maîtresse et la porte ouverte de l’appartement ; elle la couvrait ainsi du regard des sentinelles. Une nuit, le commandant de bataillon qui veillait entre les deux portes, voyant que cette femme dormait et que la reine ne dormait pas, osa s’approcher du lit de sa souveraine, pour lui donner à voix basse des avertissements et des conseils sur sa situation. La conversation réveilla la femme endormie. Frappée de stupeur en voyant un homme en uniforme près du lit royal, elle allait crier, quand la reine lui imposant silence : « Rassurez-vous, lui dit-elle ; cet homme est un bon Français trompé sur les intentions du roi et sur les miennes, mais dont les discours annoncent un sincère attachement à ses maîtres. » La Providence se servait ainsi des persécuteurs pour porter quelque adoucissement aux victimes. Le roi, si résigné et si impassible, fléchit un moment sous le poids de tant de douleurs et de tant d’humiliations. Concentré dans ses pensées, il resta dix jours entiers sans dire une parole même à sa famille. Sa dernière lutte