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dans un tourbillon factice de gens de votre opinion, pour me faire illusion, mais que ce n’était pas l’opinion réelle de la France. J’ai bien reconnu dans ce voyage que je m’étais trompé, et que c’était la volonté générale. — Votre Majesté a-t-elle des ordres à me donner ? reprit La Fayette. — Il me semble, reprit le roi en souriant, que je suis plus à vos ordres que vous n’êtes aux miens. »

La reine laissa percer l’amertume de ses ressentiments contenus. Elle voulut forcer M. de La Fayette à recevoir les clefs des cassettes qui étaient dans les voitures : il s’y refusa. Elle insista ; et, comme il ne voulait point prendre ces clefs, elle les mit elle-même sur son chapeau. « Votre Majesté aura la peine de les reprendre, dit M. de La Fayette, car je ne les toucherai pas. — Eh bien, reprit la reine avec humeur en les reprenant, je trouverai des gens moins délicats que vous ! » Le roi entra dans son cabinet, écrivit quelques lettres et les remit à un valet de pied, qui vint les présenter à l’inspection de La Fayette. Le général parut s’indigner de ce qu’on lui attribuât une si honteuse inquisition sur les actes du roi. Il voulut que cette captivité conservât tous les dehors de la liberté.

Le service du château se faisait comme à l’ordinaire ; mais La Fayette donnait le mot d’ordre sans le recevoir du roi. Les grilles des cours et des jardins étaient fermées. La famille royale soumettait à La Fayette la liste des personnes qu’elle désirait recevoir. Des sentinelles étaient placées dans toutes les salles, à toutes les issues, dans les couloirs intermédiaires entre la chambre du roi et la chambre de la reine. Les portes de ces chambres devaient rester ouvertes. Le lit même de la reine était surveillé du regard. Tout lieu, même le plus secret, était suspect. Aucune pudeur de