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XIX

Pendant qu’elle s’emparait ainsi de tous les pouvoirs, du droit de la prudence et de la nécessité, M. de La Fayette se jetait avec une audace calme au milieu du peuple, pour y ressaisir, au péril de sa vie, la confiance qui lui échappait. Le premier instinct du peuple devait être de massacrer le général perfide qui lui avait répondu du roi sur sa tête et qui l’avait laissé fuir. La Fayette sentit son péril, il le conjura en le bravant. Instruit un des premiers de l’évasion par ses officiers, il court aux Tuileries ; il y rencontre le maire de Paris, Bailly, et le président de l’Assemblée, Beauharnais. Bailly et Beauharnais gémissent des heures qui vont être perdues pour la poursuite, avant que l’Assemblée ait pu être convoquée et que ses décrets soient exécutoires. « Pensez-vous, leur dit La Fayette, que l’arrestation du roi et de sa famille soit nécessaire au salut public et puisse seule garantir de la guerre civile ? — Oui, sans doute, répondent le maire et le président. — Eh bien, je prends sur moi la responsabilité de cette arrestation, » reprend La Fayette ; et il écrit à l’instant les ordres à tous les gardes nationaux et citoyens d’arrêter le roi. C’était aussi une dictature, et la plus personnelle des dictatures, qu’un seul homme, se substituant à l’Assemblée et à la nation, prenait ainsi sur lui. Il attentait, de son autorité privée et du droit de sa prévoyance civique, à la liberté et peut-être