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volution, a montré les vues et la conduite d’un bon citoyen ; il importe qu’il conserve son crédit sur la nation. Il faut de la force à Paris, mais il y faut de la tranquillité ; cette force, c’est vous qui devez la diriger. »

Ces paroles de Barnave sont votées comme texte de la proclamation. À ce moment on annonce que l’orateur du côté droit, M. de Cazalès, est entre les mains du peuple, exposé aux plus grands dangers aux Tuileries. Six commissaires sont nommés pour aller le protéger ; ils le ramènent avec eux. Il monte à la tribune, irrité à la fois contre le peuple, auquel il vient d’échapper, contre le roi, qui a abandonné ses partisans sans les prévenir. « J’ai failli être déchiré et mis en pièces par le peuple, s’écrie-t-il, et sans le secours de la garde nationale de Paris, qui m’a témoigné tant d’affection… » À ces mots, qui indiquent dans la pensée de l’orateur royaliste la prétention d’une popularité personnelle, l’Assemblée se soulève et la gauche éclate en murmures. « Ce n’est pas pour moi que je parle, reprend Cazalès, c’est pour l’intérêt public. Je ferais volontiers le sacrifice de ma faible existence, et ce sacrifice est fait depuis longtemps ; mais il importe à tout l’empire qu’aucun mouvement tumultueux ne trouble vos séances, au moment de crise où nous sommes, et j’appuie, en conséquence, toutes les mesures d’ordre et de force qui viennent d’être décrétées. » Enfin, sur la proposition de plusieurs membres, l’Assemblée décide qu’en l’absence du roi elle retire à elle tous les pouvoirs, que ses décrets seront mis immédiatement à exécution par les ministres, sans qu’il soit besoin de sanction ni d’acceptation. La dictature est saisie d’une main ferme et prompte par l’Assemblée ; elle se déclare en permanence.