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pour le roi ? — Vive la nation ! répondent les soldats ; nous tenons et nous tiendrons toujours pour elle. » Le peuple applaudit. Un sergent de la garde nationale prend le commandement des hussards. Leur commandant s’échappe. Il va se réunir, dans la ville basse, aux deux officiers placés près des chevaux de M. de Choiseul, et tous les trois sortent de la ville et vont prévenir à Dun leur général.

On avait tiré sur ces deux officiers quand, informés de l’arrestation des voitures, ils avaient tenté de se rendre auprès du roi. La nuit entière s’était accomplie dans ces différentes vicissitudes. Déjà les gardes nationales des villages voisins arrivaient en armes à Varennes ; on y élevait des barrières entre la ville haute et la ville basse, et des courriers expédiés par la municipalité allaient avertir les municipalités de Metz et de Verdun d’envoyer en toute hâte à Varennes des troupes et du canon, pour prévenir l’enlèvement du roi par les forces de M. de Bouillé qui s’approchait.

Le roi cependant, la reine, Madame Élisabeth et les enfants reposaient, quelques moments, tout habillés, dans les chambres de la maison de M. Sausse, au murmure menaçant des pas et des voix du peuple inquiet, qui chaque minute grossissait sous leurs fenêtres. Tel était l’état des choses à Varennes à sept heures du matin. La reine ne dormait pas. Toutes ses passions de femme, de mère, de reine, l’indignation, la terreur, le désespoir, se livrèrent un tel assaut dans son âme, que ses cheveux, blonds la veille, furent blancs le lendemain.