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dame, répond sèchement la femme de l’épicier avec ce bon sens trivial des cœurs où le calcul éteint la générosité, je voudrais vous être utile. Vous pensez au roi, moi je pense à M. Sausse. Une femme doit penser pour son mari. »

Tout espoir est détruit, puisqu’il n’y a plus de pitié dans le cœur même des femmes. La reine, indignée, se retire, avec Madame Élisabeth et les enfants, dans deux petites chambres hautes de la maison de madame Sausse ; elle fond en larmes. Le roi, entouré en bas d’officiers municipaux et de gardes nationaux, a renoncé aussi à les fléchir ; il monte et redescend sans cesse l’escalier de bois de la misérable échoppe ; il va de la reine à sa sœur, de sa sœur à ses enfants. Ce qu’il n’a pu obtenir de la commisération, il l’espère du temps et de la force. Il ne croit pas que ces hommes, qui lui témoignent encore de la sensibilité et une sorte de culte, persistent réellement à le retenir et à attendre les ordres de l’Assemblée. Dans tous les cas, il est convaincu qu’il sera délivré, avant le retour des courriers envoyés à Paris, par les forces de M. de Bouillé, dont il se sait entouré à l’insu du peuple ; il s’étonne seulement que le secours soit si lent à paraître. Les heures cependant sonnaient, la nuit s’écoulait, et le secours n’arrivait pas.


XVI

L’officier qui commandait le détachement de hussards posté à Varennes par M. de Bouillé n’était pas dans la con-