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nommé Sausse, qui était en même temps procureur-syndic de la commune de Varennes. Là on fait descendre le roi et la famille pour examiner leurs passe-ports et constater la réalité des soupçons du peuple. Au même moment les affidés de Drouet se répandent en poussant des cris par toute la ville, frappent aux portes, montent au clocher, sonnent le tocsin. Les habitants, effrayés, s’éveillent ; les gardes nationaux de la ville et des campagnes voisines arrivent, un à un, à la porte de M. Sausse ; d’autres se portent au quartier du détachement pour séduire les troupes ou pour les désarmer. En vain le roi commence par nier sa qualité : ses traits, ceux de la reine le trahissent ; il se nomme alors au maire et aux officiers municipaux ; il prend les mains de M. Sausse : « Oui, je suis votre roi, dit-il, et je confie mon sort et celui de ma femme, de ma sœur, de mes enfants, à votre fidélité ! Nos vies, le sort de l’empire, la paix du royaume, le salut même de la constitution, sont entre vos mains ! Laissez-moi partir ; je ne fuis pas vers l’étranger, je ne sors pas du royaume, je vais au milieu d’une partie de mon armée et dans une ville française recouvrer ma liberté réelle, que les factieux ne me laissent pas à Paris, et traiter de là avec l’Assemblée, dominée comme moi par la terreur de la populace. Je ne vais pas détruire, je vais abriter et garantir la constitution ; si vous me retenez, c’en est fait d’elle, de moi, de la France peut-être ! Je vous conjure comme homme, comme mari, comme père, comme citoyen ! Ouvrez-nous la route ! dans une heure nous sommes sauvés ! la France est sauvée avec nous ! Et si vous gardez dans le cœur cette fidélité que vous professez dans vos paroles pour celui qui fut votre maître, je vous ordonne comme roi ! »