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Puis, se tournant vers ses esclaves, il ordonna trois cafés. Je remerciai Dieu intérieurement de m’avoir si bien inspiré. Le reste de la visite se passa au mieux, et nous nous retirâmes forts satisfaits. Le soir, nous fûmes invités à un grand souper chez un des ministres, appelé Adramouti, qui nous entretint en confidence des cruautés de son maître, et de l’exécration dans laquelle il était tombé généralement. Il nous parla aussi de ses immenses richesses : celles dont il s’est emparé lors du pillage de la Mecque sont incalculables. Depuis les premiers temps de l’hégire, les princes musulmans, les califes, les sultans et les rois de Perse envoient tous les ans au tombeau du Prophète des présents considérables en bijoux, lampes, candélabres d’or, pierres précieuses, etc., outre les offrandes du commun des fidèles. Le trône seul, cadeau d’un roi de Perse, en or massif, incrusté de perles et de diamants, était d’une valeur inestimable. Chaque prince envoie une couronne d’or, enrichie de pierres précieuses, pour suspendre à la voûte de la chapelle ; il y en avait d’innombrables lorsque Ebn-Sihoud la dépouilla ; un seul diamant de la grosseur d’une noix, placé sur la tombe, était regardé comme inappréciable. Lorsqu’on pense à tout ce que les siècles avaient accumulé sur ce point unique, on ne s’étonne plus que le roi ait emmené quarante chameaux chargés de pierreries, en outre des objets d’or et d’argent massifs. En calculant ces trésors immenses, et les dîmes qu’il lève tous les ans sur ses alliés, je crois qu’on peut le regarder comme le monarque le plus riche de la terre, surtout si l’on considère qu’il n’a presque aucune dépense à faire ; qu’il défend sévèrement le luxe, et qu’en temps de guerre chaque tribu fournit à la subsistance de ses armées, et supporte tous les