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cendre des rois Beni-el-Abass qui conquirent l’Espagne, et dont les descendants s’appellent encore les Bokhranis. Nous apprîmes qu’il était dans une province fort éloignée. Le drayhy ayant convoqué tous les chefs en conseil général, on se décida à traverser la Perse, en passant le plus près possible des côtes de la mer, afin d’éviter les montagnes dont l’intérieur du pays est hérissé, et de trouver des pâturages, bien que l’eau dût y être plus rare. Dans l’itinéraire d’une tribu, l’herbe est plus importante à rencontrer sur la route que l’eau, car celle-ci peut se transporter ; mais rien ne saurait suppléer au manque de nourriture pour les troupeaux, dont dépend l’existence même de la tribu.

Ce voyage dura cinquante et un jours. Pendant tout ce temps nous ne rencontrâmes aucun obstacle de la part des habitants ; mais notre marche fut souvent fort pénible, surtout à cause de la rareté de l’eau. Dans une de ces occasions, Scheik-Ibrahim ayant observé la nature du sol et la fraîcheur de l’herbe, conseilla au drayhy de faire creuser pour en chercher. Les Bédouins du pays traitèrent cette tentative de folie, disant que jamais il n’y en avait eu dans cet endroit, et qu’il fallait en envoyer prendre à six heures de là. Mais le drayhy insistait toujours :

« — Scheik-Ibrahim, disait-il, est un prophète ; il faut lui obéir en tout. »

On creusa donc sur plusieurs points ; et effectivement, à quatre pieds de profondeur, on trouva une eau excellente. En voyant cette heureuse réussite, les Bédouins proclamèrent avec acclamations Scheik-Ibrahim un vrai prophète,