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occasion ; mais M. Lascaris me défendit de rien acheter ou recevoir en cadeau, et j’obéis scrupuleusement.

De jour en jour, il nous arrivait, du pays de Neggde, des tribus qui abandonnaient les Wahabis pour se joindre à nous : les unes attirées par la grande réputation du drayhy, les autres par suite de querelles avec le roi Ebn-Sihoud. Une circonstance de ce genre nous amena à la fois cinq tribus. L’émir de la tribu Beny-Tay avait une fille fort belle, nommée Camare (Lune). Fehrab, fils du chef d’une tribu voisine et parent du Wahabi, en devint épris, et sut gagner son affection. Le père de la jeune fille s’en étant aperçu, lui défendit de parler au prince, refusant lui-même de le recevoir et d’écouter ses propositions de mariage, Camare étant destinée à son cousin Tamer.

C’est un usage chez les Bédouins, et qui rappelle ceux qui nous sont transmis par la Bible, que le plus proche parent soit préféré à tout autre, lorsqu’il y a une jeune fille à marier. Mais Camare, sans se laisser influencer par cette coutume de son pays, ni intimider par les menaces de son père, refusa positivement d’épouser son cousin ; et, son amour augmentant en raison des obstacles qu’on y opposait, elle ne cessa de profiter de toutes les occasions de correspondre avec son amant. Cependant celui-ci, ne voyant aucun espoir de l’obtenir de ses parents, résolut de l’enlever, et lui en fit faire la proposition par une vieille femme qu’il avait gagnée. Ayant son consentement, il s’introduisit dans la tribu Beny-Tay déguisé en mendiant, et convint avec elle de l’heure et des circonstances de l’enlèvement. Au milieu de la nuit, la jeune fille sortit furtivement de la