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Le drayhy fut obligé de prendre congé de nous pour continuer sa migration vers l’orient, où il allait passer l’hiver. Scheik-Ibrahim se désespérait en voyant mon état empirer chaque jour. Enfin, ayant appris qu’un chirurgien plus habile que le mien demeurait à El-Daïr-Attié, il le fit appeler ; mais il refusa de venir, exigeant que le malade fût transporté chez lui : en conséquence, on me fit une espèce de litière du mieux que l’on put, et l’on m’y porta, au risque de me voir expirer en route. Ce nouveau chirurgien changea entièrement l’appareil de mes blessures, et les lava avec du vin chaud ; je restai trois mois chez lui, souffrant le martyre, et regrettant mille fois la mort à laquelle j’avais échappé ; je fus ensuite transporté au village de Nabek, où je gardai le lit pendant cinq autres mois. Ce ne fut qu’au bout de ce temps que commença véritablement ma convalescence ; encore fut-elle souvent interrompue par des rechutes ; lorsque je voyais un cheval, par exemple, je pâlissais et tombais évanoui : cet état nerveux dura près d’un mois. Enfin, peu à peu je parvins à me vaincre à cet égard ; mais je dois avouer qu’il m’est toujours resté un frisson désagréable à la vue de cet animal, et je jurai de ne jamais monter à cheval sans une nécessité absolue.

Ma maladie coûta près de cinq cents talaris à Scheik-Ibrahim ; mais comment évaluer ses soins et ses attentions paternelles ? Je lui dois certainement la vie.

Pendant ma convalescence, nous apprîmes que notre ami, le pacha de Damas, était remplacé par un autre, Soliman-Selim. Cette nouvelle nous contraria beaucoup, nous faisant craindre de perdre notre crédit sur les Turcs.