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femme endormie ; il l’éveille, en lui disant : — « C’est Aloïan qui t’appelle, suis-moi. » Elle se lève épouvantée, et lui dit : — « Imprudent que tu es ! Faress et ses frères vont te tuer ; sauve-toi ! — Perfide, reprit-il, que t’ai-je fait pour me traiter ainsi ? t’ai-je jamais contrariée ? t’ai-je jamais adressé le moindre reproche ? as-tu oublié tous les soins que j’ai eus de toi ? as-tu oublié tes enfants ? Allons, lève-toi, invoque Dieu, suis-moi, et maudis le diable qui t’a fait faire cette folie. » — Mais Hafza, loin de se laisser attendrir par la douceur d’Aloïan, lui répète : « Sors d’ici, pars ; ou je donnerai l’alarme, et j’appellerai Faress pour te tuer. » — Voyant qu’il n’y avait rien à obtenir d’elle, il la saisit, lui ferme la bouche, et, malgré sa résistance, l’emporte sur son dromadaire, et ne s’arrête que lorsqu’il est hors de la portée de la voix. Alors, la plaçant en croupe, il continue plus lentement sa route.

Au point du jour, le cadavre de Faress et la disparition de la femme mettent le camp en rumeur ; son père et ses frères poursuivent et atteignent Aloïan, qui se défend contre eux avec un courage héroïque. Hafza, se débarrassant de ses liens, se joint encore aux assaillants et lui lance des pierres, dont une l’atteint à la tête et le fait chanceler : couvert de blessures, Aloïan parvient cependant à terrasser ses adversaires ; il tue les deux frères et désarme le père, disant que ce serait une honte pour lui de tuer un vieillard ; il lui rend sa jument et l’engage à retourner chez lui ; puis, saisissant de nouveau sa femme, il poursuit sa route et arrive à sa tribu, sans avoir échangé une parole avec elle. Alors il assemble tous ses parents, et, plaçant Hafza au milieu d’eux, il lui dit : « Raconte toi-même tout ce qui s’est