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un dromadaire, il avait franchi en cinq jours une distance qui exige trente journées au pas de caravane. Il venait du pays de Neggde, et était envoyé par un scheik ami pour avertir le drayhy de la fureur d’Ebn-Sihoud, de ses projets, et des alliances qu’il formait contre lui. Il désespérait de le voir jamais en état de tenir tête à l’orage, et l’engageait fortement à faire la paix avec les Wahabis. J’écrivis au nom du drayhy, qu’il ne faisait pas plus de cas d’Ebn-Sihoud que d’un grain de moutarde, mettant sa confiance en Dieu, qui seul donne la victoire. Ensuite, par ruse diplomatique, je fis entendre que les armées du Grand Seigneur appuieraient le drayhy, qui voulait surtout ouvrir le chemin pour la caravane, et délivrer la Mecque de la domination des Wahabis. Le lendemain, nous traversâmes le grand bras du fleuve dans des barques, et allâmes camper de l’autre côté, dans le voisinage de la tribu El-Cherarah, réputée pour son courage, mais aussi pour son ignorance et son obstination.

Nous avions prévu l’extrême difficulté qu’il y aurait à la gagner, non-seulement à cause de ces défauts, mais encore à cause de l’amitié qui existe entre son chef Abedd et Abdallah, premier ministre du roi Ebn-Sihoud. En effet, il refusa d’entrer dans l’alliance. Dans cet état de choses, le drayhy jugea toute négociation inutile, disant que le sabre en déciderait. Le lendemain, Sahen, avec cinq cents cavaliers, alla attaquer Abedd. Il revint au bout de trois jours, ayant pris cent quarante chameaux et deux juments de grand prix ; il n’y eut que huit hommes tués, mais le nombre des blessés était grand de part et d’autre. Je fus témoin, à cette occasion, d’une guérison extraordinaire. Un jeune